Axe d’étude 3 : Migration et exil

La migration et l’exil occupent une place centrale dans la culture du monde anglophone.
Qu’elle revête une dimension géographique ou sociale, collective ou individuelle, la
déterritorialisation est souvent associée à des émotions contradictoires. Elle confronte
l’individu à la perte de repères, à la confusion voire à l’aliénation et l’oblige à repenser ses
valeurs et son rapport au territoire pour reconstruire son identité en s’interrogeant sur la
place qui lui est dévolue.
L’émigration vient immédiatement à l’esprit lorsque l’on envisage cet axe d’étude. Qu’elle soit
choisie (on pense aux colons de l’Empire britannique ou à la poursuite du Rêve américain
par exemple) ou subie (prisonniers envoyés vers les colonies pénitentiaires d’Australie ou
réfugiés pendant les Guerres mondiales ou la guerre froide par exemple), l’émigration peut
être liée à différents facteurs économiques (la diaspora irlandaise après la Grande Famine
évoquée dans des ballades telles que « The City of Chicago » de Christy Moore), sociaux ou
politiques (pour fuir des bouleversements violents comme la décolonisation ou des
persécutions politiques ou religieuses comme pour les Pilgrim Fathers). De nombreux récits
ayant trait à l’histoire migratoire évoquent les causes des migrations mais aussi leurs effets
sur les individus déracinés (My American Life de Francine Prose, Call It Sleep de Henry
Roth).
L’expérience de l’exil est une rupture, un arrachement, un déchirement. Elle entretient un vaet-vient permanent entre un ici et un ailleurs, entre la nostalgie et l’espoir, entre l’exclusion et
l’inclusion, entre le moi et les autres : d’où la tonalité souvent mélancolique des récits

d’exilés. Que signifie être exilé, déplacé, vivre entre plusieurs mondes ? L’exil des auteurs
postcoloniaux (Salman Rushdie, Arundhati Roy) permet d’explorer les contours de cet entredeux. Confronté à la solitude et parfois au rejet, le migrant doit également surmonter un choc
linguistique et culturel (How the Garcia Girls Lost their Accent de Julia Alvarez, American
Born Chinese de Gene Luen Yang, Americanah de Chimamanda Ngozi Adichie).
La mémoire de l’exil ou d’un traumatisme vécu par ses ancêtres peut constituer un héritage
pour les générations suivantes. Les enfants d’immigrants écrivent aussi leurs propres
histoires d’exil empreintes d’une nostalgie pour un pays qu’ils n’ont pas connu ou qu’ils ont
peu connu, et invitent à analyser la manière dont s’exprime une mémoire chez des individus
qui n’ont pas personnellement vécu ces événements (Zadie Smith, Hanif Kureshi, Amy Tan).
Cet axe peut permettre d’aborder l’exil inversé et parfois douloureux dont font l’expérience
ceux qui retournent dans leur pays ou région d’origine après une longue période dans un
autre lieu (Interpreter of Maladies de Jumpa Lahiri), avec l’impression de ne plus être de
nulle part. L’exploration de cette forme de déracinement offre ainsi l’occasion de s’interroger
sur la notion d’hybridité culturelle autour de concepts tels que l’intérieur, l’extérieur, le centre,
la marge et la périphérie dans lesquels l’individu est tiraillé entre les forces opposées de
l’acculturation, de l’attachement aux racines et du déracinement.
Mais on peut également faire l’expérience de l’exil sans franchir de frontières nationales
(Trail of Tears des Peuples Premiers, Grande Migration dans les tableaux de Jacob
Lawrence ; exode rural vers une ville présentée comme lieu d’errance, dans Jude the
Obscure de Thomas Hardy, Grapes of Wrath de John Steinbeck, Subway de George Tooker,
ou Moon Palace de Paul Auster), voire sans se déplacer : on peut ici envisager l’exil interne
vécu par ceux qui ont choisi de rester dans leurs pays dans des contextes extrêmes (J.M.
Coetzee, André Brink, Nadine Gordimer) ou par ceux confrontés aux nouvelles réalités de
leur propre territoire suite à la décolonisation (The Painter of Signs de R.K. Narayan, The
God of Small Things d’Arundhati Roy ou autres œuvres de la littérature postcoloniale).
Enfin, la migration peut être abordée dans sa dimension positive, lorsqu’elle offre à celui qui
l’entreprend l’espoir d’une vie meilleure (« Ellis Island » de The Corrs), ou permet d’accéder
à de nouvelles formes de pouvoir et de liberté (Brick Lane de Monica Ali, A Fond Kiss de
Ken Loach). De même, on peut évoquer des auteurs comme T.S. Eliot, Ezra Pound,
D.H. Lawrence, Joseph Conrad ou encore James Joyce qui ont quitté leur patrie sans y avoir
été le moins du monde forcés et qui ont transcendé leur statut d’exilé dans leurs œuvres.