Axe d’étude 1 : L’expression des émotions

Pour de nombreux artistes, l’émotion constitue tout à la fois le terreau et le matériau grâce auxquels se construisent une œuvre, une personnalité et une identité. Ainsi, l’expression et l’exploitation des émotions caractérisent différents courants et modes artistiques qui se développent dans le monde anglophone. Le courant romantique en constitue un exemple évident, qu’il s’agisse d’exprimer la communion avec la Nature, comme chez William Wordsworth (« I wandered lonely as a cloud »), le deuil, comme chez Edgar Allan Poe (« Annabel Lee »), ou la passion amoureuse menant jusqu’à la folie, comme chez Emily Brontë (Wuthering Heights). La figure même du poète romantique, passionné, tourmenté, trouvant dans l’écriture une forme de sublimation de ses sentiments exacerbés, se retrouve également dans le portrait de John Keats qu’offre le film Bright Star de Jane Campion.

Il est opportun de chercher avec les élèves à définir précisément les termes de romantisme, de transcendantalisme ou encore d’expressionnisme, afin d’en dégager certains aspects universels mais aussi d’autres plus spécifiques à des cultures diverses, dans une logique contrastive qui peut avantageusement s’appuyer sur les connaissances acquises durant la scolarité en cours de français. Mais il est également judicieux de ne pas limiter l’approche au seul domaine de la littérature, car ce sont les arts en général qui apportent leur contribution à l’expression des émotions, participant ainsi à la construction d’une identité individuelle et collective. Ainsi, le cinéma de Jane Campion ne recule pas devant l’expression d’une véritable violence émotionnelle qui malmène ses personnages féminins mais contribue aussi à les construire. L’art chorégraphique exploite également les émotions, à divers titres et de façon plus ou moins expressive : il offre une entrée sensible très pertinente pour s’emparer des aspects culturels propres à différentes nations et différentes époques (danses traditionnelles amérindiennes ; chorégraphies de Martha Graham). Les arts picturaux et narratifs peuvent se rejoindre dans une véritable cosmogonie constituée d’émotions, de mémoire et de sentiments (« Dreamtime » des aborigènes australiens) : l’expression des émotions est alors étroitement liée à une forme de spiritualité, comme dans les installations vidéo de Bill Viola. Enfin, l’art oratoire ne peut être oublié, tant il joue par nature sur l’expression des émotions de l’orateur et de l’auditeur à sa réception : cela peut s’observer aussi bien dans certains grands monologues du théâtre de Shakespeare (dans Hamlet ou dans Romeo and Juliet) que dans des discours politiques comme chez Martin Luther King (« I have a dream ») ou chez Robert F. Kennedy à l’annonce de la mort du précédent (« Statement on Assassination of Martin Luther King »).

La dimension existentielle de l’expression des émotions est centrale. Certains artistes poussent loin la recherche dans ce domaine et n’hésitent pas à mettre en lumière les émotions les plus intenses ou les plus violentes, de la douleur à l’épiphanie (théâtre expressionniste de Eugene O’Neill ou de Tennessee Williams, poésie d’Emily Dickinson ou de Sylvia Plath, nouvelles de James Joyce ou romans de Virginia Woolf, peinture de William Turner ou de Francis Bacon). D’autres expriment des émotions plus retenues, ce qui n’en constitue pas moins des œuvres fortes et qui participent également d’une construction identitaire singulière (tableaux de Mary Cassatt, d’Edward Hopper ou de Grant Wood).